Suggestions de lecture de juin

Suggestions de lecture de l’infolettre #2 : juin 2017

Salut, chaleur! Salut, été! Salut, soleil! Salut le temps des lectures profondes, denses, transformatrices! Parce que, contrairement à ce qu’on dit souvent, n’y a-t-il pas meilleur moment que l’été, quand l’esprit est clair et lumineux et le temps long pour se plonger dans des lectures qui nous shake les chakras.

Et on en profite aussi pour nous souhaiter bonne fête à toutes : le 15 juin, la librairie aura 6 mois. On commence presque à faire nos nuits 😉

Suggestions FICTION

Troisième personne, Valérie Mréjen (P.O.L.)

Troisième personne c’est l’enfant qui naît, celui qui modifie le quotidien et qu’alors s’estompe le souvenir de la vie d’avant. Sous forme de courts fragments, Mréjen met en scène un couple qui accueille une nouvelle-née et présente subtilement, avec une intelligence fine les joies et les détresses d’être parent. Entre La Seine qui devient lieu des plus grandes aventures à venir, les yeux qui se ferment d’épuisement devant l’énergie émouvante de l’enfant et la difficulté, parfois, à lâcher-prise devant celle qui déjà se détache, nous sommes convié.e.s à partager ce long souffle de liberté, de poésie et d’imaginaires. Faut-il se remémorer que, peut-être, il nous est imparti de ré-apprendre à découvrir le monde, de courir en écartant les bras.
(Suggestion de Marie-Ève Blais)

 

Qui maîtrise les vents connaît son chemin, Verena Stefan (Héliotrope)

Dernier roman de l’écrivaine d’origine suisse Verena Stefan, ce texte met en scène, à la manière d’un album photo non-chronologique, les souvenirs du docteur Julius Brunner, de sa petite-fille Rosa et des autres membres de leur famille. Si l’ouvrage se présente d’abord et avant tout comme une fiction, le protagoniste est inspiré par le grand-père de l’auteure, incarcéré en 1949 pour avoir pratiqué des avortements, et le récit est entrecoupé d’extraits de procès et d’interrogatoires. L’intérêt du livre réside dans la démarche particulière de Stefan, qui consiste moins à rendre hommage à son aïeul qu’à prêter une voix aux femmes qui l’ont côtoyé – ses patientes, mais aussi sa femme et sa fille – et à mettre en récit leurs destins traversés de contraintes. Le tout à travers une prose poétique, qui juxtapose habilement la dureté de l’écriture documentaire et la légèreté naïve des souvenirs d’enfance.
(Suggestion de Camille Toffoli)

 

Suggestions POÉSIE

Là où fuit le monde en lumière, Rose Eliceiry (L’écrou)

La poésie de Rose Eliceiry s’impose par la grande simplicité des amours qui résistent au tumulte de la ville. Parfois de simples vers comme « S’étendre pour dormir » ou « Si on en avait le courage » ont le pouvoir de tout dire, sans laisser derrière le trajet et ce qui le traverse. À travers le trop plein, il y a Là ou fuit le monde en lumière, une ode certaine à ce qu’il nous reste de poésie au cœur parfois des murs de briques, des vieux fantômes et des déceptions.
(Suggestion de Marie-Ève Blais)

Filles, Marie Darsigny (L’écrou)

Décidément, c’est une bonne séquence pour L’écrou. Filles livre exactement ce à quoi on aurait pu s’attendre d’un recueil rose cuisse-de-nymphe qui s’appelle Filles. Des filles en série qui laissent autant de cicatrices sur les poignets que de sucettes au cou, des paillettes aux yeux, de la poudre au nez, des #sadgirls et autant de pilules à compter que de verres de trop. Derrière le tape-à-l’oeil et la #poésie Instagrammable persiste la douleur d’être fille.

Extrait de Filles #21
«enfermées dans les toilettes dorées
on énumère les livres
sur lesquels on a déjà fait de la poudre»
(Suggestion de Fanie de la Fresne)

Suggestions ESSAI

Future Sex d’Emily Witt

Emily Witt se réveille le matin de ses 30 ans, dans un statut relationnel incertain, et des perspectives d’avenir et des désirs tout aussi incertains. Elle constate que les discours et le vocabulaire dont on a hérité pour parler des configurations sexuelles et amoureuses sont en décalage complet avec la réalité, incapables de la nommer dans ses complexités. Si elle refuse le «modèle traditionnel», comme une bonne part de sa génération, elle constate ne pas avoir à sa disposition de modèle de remplacement clé en main. Elle part donc dans une quête gonzo dans les communautés où s’expérimentent des pratiques qui repoussent les frontières des normes sociales, sexuelles et amoureuses. Elle essaie tout: méditation orgasmique, cyberpornographie, applications de rencontres, sex party avec des amis polyamoureux, orgy dome à Burning Man. Mais surtout, et c’est là tout l’intérêt du livre, elle réfléchit sur ce que ces expériences questionnent, transforment et préfigurent pour l’avenir de la sexualité.
Seul note d’ombre au tableau : la traduction française (pour ne pas dire franchouillarde) des Éditions Seuil est un peu pénible, parfois même bâclée. C’est bien dommage, d’autant plus que le texte original est assez bien tourné. Heureusement que le propos est assez intéressant pour qu’on ait envie de surmonter ce désagrément.
(Suggestion de Fanie de la Fresne)

Adolescences lesbiennes : de l’invisibilité à la reconnaissance, Christelle Lebreton (Remue-ménage)

Cet ouvrage tiré du projet de thèse de l’auteure est le résultat d’une étude menée auprès de jeunes femmes entre 18 et 26 ans à propos de la découverte et la reconnaissance de leur attirance pour les femmes au courant de l’adolescence. Une vingtaine de jeunes femmes ont été interrogées à propos de leur environnement socioculturel, de leurs expériences amoureuses et sexuelles, de leurs modèles identitaires et leur rapport à l’identité sexuelle. L’essai traite également de socialisation, du rapport à la féminité et des amitiés à l’adolescence. On y met en lumière différents mécanismes de l’apprentissage des normes hétérosexistes et y rend compte de difficultés auxquelles font face les jeunes lesbiennes dans l’affirmation de leur identité. Un portrait tout à fait éclairant et fluide qui saura toucher les lesbiennes, mais aussi toutes les femmes, à qui la société impose des désirs et les régit.
(Suggestion de Sandrine Bourget-Lapointe)

Suggestions ZINE

Londonderry vol. 2 Cyclo-tourisme, collectif Les Dérailleuses

On trouve un peu de tout dans cette dernière publication du collectif cyclo-féministe Les Dérailleuses : des récits de voyages inspirants, des réflexions sur la place des femmes et des personnes racisées dans les réseaux de cyclistes, des poèmes hommages aux roadkills, des trucs pour prévenir les vaginites pendant les longs périples de cyclo-tourisme. Illustré avec humour par l’une des membres du collectif, Ravy Puth, et pourvu d’une superbe couverture imprimée à la main par lithographie, ce recueil rassemble des textes en français, en anglais et en espagnol écrits par des femmes des quatre coins du monde. La diversité des contributions en fait un objet unique et fascinant qui emballera les cyclistes aguerries et donnera envie aux autres d’enfourcher leur vélo pour partir à l’aventure !

Suggestions BANDE-DESSINÉE

Coquelicot d’Irak, Brigitte Findakli, Lewis Trondheim (Pow Pow)

Sans oser la comparaison, on ne peut s’empêcher de penser à Persepolis de Marjane Satrapi en lisant Coquelicot d’Irak. Brigitte Findakli fait le récit de son enfance en Irak traversée par des bouleversements politiques, par la guerre, par les privations, etc. Un récit vraiment touchant, qui émeut parfois aux larmes tout en gardant une grande objectivité face aux événements, narrés ce qui le détache de l’intime et l’amène presque vers le genre du mémoire.

La BD est parsemée de photographies, mais aussi de petits fragments éducatifs (parfois très drôles) sur l’Irak qui hybrident le genre autofictionnel, y ajoutent une composante précieuse et relancent chaque fois la lecture.
(Suggestion de Nicolas· Longtin-Martel)

 

Miss Marvel, G. Willow Wilson

Une série de BD de super-héroïne que j’aurais adoré lire adolescent (et dont je raffole aussi maintenant “adulte”), un comic qui ne tourne pas juste autour d’hommes blancs super-musclés. Miss Marvel est en fait Kamala Khan, une jeune adolescente de confession musulmane et de parents pakistanais. Se découvrant des super-pouvoirs suite à un nuage de terrigène, elle décide de les utiliser pour enquêter sur la disparition de plusieurs adolescent·es dans son quartier.
Les super-pouvoirs de Miss Marvel consistent en l’agrandissement et le rapetissement à volonté de n’importe quel partie de son corps (ou son corps au grand complet), pouvoir avec lequel elle éprouve beaucoup de difficulté de contrôle, mais aussi une certaine frayeur de ce dernier au début de la série (une métaphore assez clair des changements hormonaux et corporels à l’adolescence). Ses aventures héroïques lui causent des problèmes avec sa famille, qui n’est pas au courant de ses pouvoirs et qui voit mal ses sorties tardives et les mensonges qu’elle invente pour protéger son identité secrète. Bref, une super-héroïne pour les jeunes, mais aussi les adultes, qui se régaleront de l’introduction de cette nouvelle Miss Marvel dans l’univers Marvel (surtout qu’elle rejoindra assez rapidement les Avengers).
(Suggestion de Nicolas· Longtin-Martel)

Suggestions JEUNESSE

La fée sorcière, Brigitte Minne et Carll Cneut (Pastel)

Qui a dit qu’on ne pouvait pas être fée et sorcière à la fois ? Cet album pour enfant met en scène une petite fille qui n’en peut plus de se faire imposer les codes de conduite des fées (et des filles?) et décide d’aller voir chez les sorcières, qu’on dit effrayantes et méchantes, si c’est mieux. Elle se rend dans la forêt des sorcières pour constater qu’elles sont plutôt gentilles, mais surtout plus libres de faire ce qu’elles veulent. Elle décide alors de se dire fée sorcière. Un magnifique album aux couleurs débordantes qui invite les enfants à déboulonner les stéréotypes et les peurs. Il met aussi en scène des sorcières pas mal féministes. On aime!
À partir de 5 ans.
(Suggestion de Sandrine Bourget-Lapointe)

 

 

La famille dans tous ses états, Alexandra Maxeiner et Anke Kuhl (La joie de lire)

Reconstituée, arc-en-ciel, choisie, monoparentale, chaque famille est unique. Cet album éducatif sur les familles est dynamique et très bien fait. Il aborde plusieurs sujets importants dont l’adoption, le divorce, l’homosexualité, la maltraitance, les classes sociales avec simplicité et finesse. Il traite de différents modèles de famille sans les hiérarchiser, ni les juger. Ce livre, à l’origine écrit en allemand, n’est pas parfait (encore une traduction franco-française…), mais il n’est vraiment pas loin de l’être! Un très bon outil pour initier un enfant aux différentes réalités familiales.
À partir de 5 ans.
(Suggestion de Sandrine Bourget-Lapointe)

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